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Le journal de bord... |
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Départ![]() ![]() | Veille![]() | 17 Avril 2003 | ![]() | ![]() ![]() |
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Écoutez le journal audio (le son original de la traversée !) : |
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Journal écrit : Le matin, on essaye de renvoyer GV1 avec le vent d'Est, mais on comprend vite qu'on ne le supporte plus. Trop de stress. On en a marre, on est cinglés etc... On reparle de Dabo, de Bourgnon, Delage et tous les autres. On se rase pour aller mieux. Mais on avance maintenant à toute petite vitesse, minables. On critique notre concept, notre design, nos idées trop esthétiques, trop pures, trop folles etc... On se drope _ de Lexo et on continue. Où sommes-nous, à quelle vitesse on marche, quand et où arriverons-nous? C'est dur, très dur pour le moral. Il nous faut absolument penser que même à petite vitesse on arrivera. Il faut juste arriver, après ce sera réussi, terminé. Nous n'avons plus de rêves de navigations. Assez pour le moment ! Aujourd'hui jeudi, plus qu'un jour pour le week-end, boire une bière chez Dan avec nos amis en disant ""On l'a fait, mais c'était très dur !"" Pour suivre la loi de la 2CV, ""la preuve par Deuche"", on essaye de continuer pour la nuit, lentement mais sûrement. Mais pendant son premier quart, Max m'appelle et refuse de continuer: la mer bouge tellement dans tous les sens, des ""montagnes russes"", que le bateau est inconduisible. Il y a beaucoup de nuages aussi. On décide de se mettre en fuite, sous tourmentin, barre au milieu, car le vent porte à l'Ouest. On passe une nuit relativement calme, entassés dans la soute. |
La route du jour : |
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Journal audio (transcription) : |
Plage 29 Max : Aujourd’hui jeudi 17 ! Et bien, on vient encore de passer une nuit d’enfer… d’enfer, pourtant dans des conditions qui se sont un peu calmées, la mer euh… devient décente… Man : C’est pleine lune ! Max : Et sous la pleine lune en plus euh… avec des passages nuageux importants mais… on a vu aussi notre fameuse Croix du Sud… Malheureusement, la pleine lune nous empêche de distinguer les petites étoiles… qu’on cherche… la Mouche… en dessous de la Croix du Sud. Donc pour le moment, on n’arrive pas à se localiser précisément en latitude… Bon. On a conscience qu’on touche un peu au but… au niveau de la latitude mais… Man : On en a marre, marre, marre ! ! ! Max : On en a marre ! Complètement marre ! C’est affreux ! On n’arrive pas à faire nos quarts de nuit… on est crevé, on est… on craque nerveusement, c’est… C’est infernal, parce qu’on ne sait pas à quelle vitesse aller… Le bateau ,, quand on va lentement, on est absolument écœuré d’aller lentement avec une coque qui est rapide comme ça… Alors nerveusement, ça nous embête… Et alors si on le pousse, si on met des voiles… à ce moment-là, ah oui, si, il va vite… ! Mais on est aspergé en tout sens… et on a maintenant une phobie de l’eau… On ne veut plus toucher l’eau ! On ne veut pas se faire asperger… on est déjà bien assez humide… On passe 15 heures par jour, 18 heures par jour en cirés… et dedans, évidemment des fourrures polaires qui sont complètement humides … et compagnie… On en a marre ! Voilà, on en a marre, il faut que ça s’arrête ! Bon, là on est au 17ème jour de navigation… espérons que ça va aller mieux… Bon, pour le moment il fait assez beau… On s’est mis en short, j’espère que ça va aller mieux dans quelques instants… Plage 30 Max : Vas-y Gromf ! Man : Oui, avoir une navigation aussi rudimentaire, comme on fait… C’est à dire ne pas savoir la distance qu’on parcourt… Combien de jours il reste, etc… c’est très très dur pour les nerfs… Max : Ni ce qu’il reste à faire… Man : C’est vraiment très dur ! Max : On est vraiment perdu dans l’océan quoi ! Et évidemment, ça travaille la tête tout ça… C’est un petit plus pou nous… ou on peut dire un moins… Un gros moins ! ça travaille vraiment vraiment pour nous… On ne dit pas : « Oh ! Si on avance aujourd’hui de tant de milles euh… on sera arrivé vendredi 4 »… ou je ne sais pas quoi… Non non non ! On ne sais pas quand on arrive ! Et d’ailleurs, on ne sais pas où… non plus ! Man : Oui ! … non plus ! Max : Parce que arriver en Guadeloupe, ça c’est le principe… de notre navigation. On vise la Guadeloupe… mais… (il rigole) Il n’est pas du tout évident qu’on y arrive ! Tout au contraire ! Man : Oui ! De moins en moins évident… Parce que, il faut vraiment tomber pile poil avec des ciels parfaits… de la belle visibilité quoi… C’est dur ! Même pendant la journée il faut avoir du soleil, il faut… La nuit il faut que le ciel soit clair… juste au moment où la Croix du Sud culmine… Max : Passe sur notre méridien, exactement au Sud, … Man : Ça ne dure qu’une heure maximum par jour ! Max : Et ça, ce n’est pas vraiment évident ! On n’est pas du tout dans un laboratoire quoi ! Hein ? Ce n’est pas un laboratoire ici, ni le Planétarium ! Il faut des conditions météorologiques… Il faut avoir de la chance pour ça ! Est-ce qu’on en aura ? Man : Oui, oui, on va en avoir… Max : C’est la semaine prochaine, la semaine prochaine que ça doit se décider… (bruit d’eau intérieur, calme, le bateau ne va pas très vite…) Là, le bateau avance à 4-5 nœuds… Sans pousser le bateau, on ne pousse plus… On ne pousse pas le bateau ! Man : La mer a toujours un… une surface désagréable… tout à fait désagréable… Je ne sais pas, on a rarement vu ça ! On ne comprend pas. Max : On ne comprend pas ! On ne comprendra jamais la mer… De temps en temps, on arrive dans des zones intenses de clapot, en plein océan… On a l’impression de traverser un courant fort, une turbulence sur peu de profondeur… on ne comprend pas ! On a encore mesuré la température de l’eau, elle fait 23-24… C’est incompréhensible à cette latitude… ou alors il faut qu’on se remette à nos bouquins de géographie ! Mais bon, on verra… Man : 23-24 à 18° de latitude ! Oui, parce qu’on pense qu’on est à peu près là… Max : On ne comprend pas…. Man : Ça fait faible ! Non, on n’a pas de chance ! Je crois que le temps est spécial… (l’enregistrement s’arrête…) Mini disque 3, Plage 1 Max : Jeudi 17 avril. Man : Ouais ! Comme on le comprend bien, on en bave quoi ! Mais dans notre souffrance, on pense en particulier à Bourgnon… Parce qu’il a traversé sur un petit catamaran de sport… et ça devait être l’enfer… un enfer peut-être bien pire que ce qu’on a connu… Max : Attend, attend ! on a un problème technique là… Plage 2-3-4 Rien… Plage 5 Max : Vas-y ! Man : Ouais ! Alors comme on le comprend bien, on en bave bien quoi ! Et pourtant, il fait bien beau aujourd’hui… il y a un ciel bleu… pour une fois, ciel bleu continu presque… Et alors dans notre souffrance, on pense en particulier à Bourgnon… Entre autres, d’ailleurs, parce que… on pense aussi à Delage et Rémy Bricka aussi… Deux cinglés notoires qui ont traversé sur des engins dérisoires… Mais Bourgnon, lui, il a traversé sur un petit catamaran de sport… de 5m50… à deux… et ça devait être vraiment l’enfer l’enfer à bord, parce que dormir ou faire n’importe quoi, ça devait être impossible ! Alors on pense à lui, et on se dit qu’on est des nuls (il rigole)… On est nul, oui on est nul ! Mais enfin, on fait ce qu’on peut hein ? … Max : Chacun sa manière… Plage 6 Man : Toujours jeudi 17, après midi… Le temps est joli, il y a actuellement du ciel bleu… ça n’a pas été toujours le cas, mais du ciel bleu… du soleil face à nous qui nous indique l’Est… Euh l’Ouest je veux dire ! Et on fait un peu de sud par rapport à ce cap là… Mais aujourd’hui, ça ne va pas très bien… Depuis ce matin, on a bien essayé de renvoyer … pas beaucoup de toile… enfin disons, de la toile… La mer était assez agitée encore… Elle est bizarre, on ne comprend vraiment rien à cette mer… Et on a tout de suite retiré… Parce qu’on avait peur quoi ! Je ne sais pas… on a peur… Hein Max ? C’est quoi ça ? Max : Je ne sais pas… peut-être traumatisés par les jours qui ont précédé… Avec les grandes houles… Des houles effrayantes en fait… On a fait tellement de surf dangereux… Man : … de la mer croisée… Max : … qu’on n’a plus envie de relancer le bateau… Man : Ouais ! Alors des surfs… pour décrire un peu… Le Surf, c’est chouette, (il rigole) c’est notre spécialité ! On est des surfeurs… Mais en général, une vague, ça se présente parallèle enfin droit, et puis on surfe là où on veut… Mais là, c’était des conjonctions de différentes houles… de différentes périodes, dont une énorme, un grande houle… Tout réfléchi, je pense qu’elle faisait 8m et très longue… Et il y avait une plus courte, style 4-5m, beaucoup plus courte et abrupte… Et ça se croisait de temps en temps… Et alors on faisait des surfs là-dessus, alors on démarre une vague naturellement… et puis comme le vent soufflait bien fort de Nord-Est… et qu’on faisait cap plutôt vers l’Ouest… on surfait en travers donc… Et on se retrouvait parfois… enfin l’impression d’être comme dans une sorte piste de bobsleigh avec virage ! ! ! On décrirait même ça, comme un balle… une balle dans une raquette de chistera basque… Et malheureusement, ce n’est pas comme en surf où on peut quitter la vague en faisant une manœuvre rapide… là on est engagé à toute vitesse dans un surf assez effrayant… Max : On a peur de casser une traverse… Man : Ce bateau, il est quand même en gréement traditionnel etc… On a tout notre matos électronique à bord… de prise de vue, de son et tout çà… Et bon, on a peur de casser une traverse… d’enfourner le flotteur… enfin de se casser la gueule ! Tout simplement ! Mais bon ! On l’a fait ! Et alors aujourd’hui, depuis ce matin, on a essayé de recommencer… et il y avait encore quelques petites séries vicieuses… très abruptes… qui viennent de temps en temps… et un vent un peu faible, donc on est pas assez appuyé… ça partait tard… avec les voiles en vrac… Le gréement ancien, ça ne correspond pas du tout à ce type d’embarcation… Il faudrait une coque lourde qui tienne le pavé… avec beaucoup en dessous quoi… Une coque à déplacement… Comme les trucs bretons, anciens, des choses comme ça… Mais un prao, un prao, c’est vraiment trop expérimental ! Mais là encore, on est pris par notre goût de l’esthétique etc… On est complètement cinglés avec ça euh… On a dessiné un bateau très joli… mais pas le plus sûr… ni le plus confortable. Il fallait qu’il soit joli à tout prix ! … Donc il est inconfortable, il est trop bas sur l’eau… etc… Enfin… Le gréement ancien, il est splendide ! Mais il est impossible à manier sur ce genre d’embarcation… Et tout comme ça ! Alors aujourd’hui, on n’a pas arrêté de causer sur le pourquoi du comment… Max : Mais il y a aussi l’effet de la fatigue… Man : Oui bien sûr… On dors très très mal, dès qu’on va vite, ça fait un bruit terrible… Et on ne peut pas , on ne peut pas dormir ! Il y a des mouvements trop rapides… complètement différents de notre petit 4m… avec lequel on avait été à Miami… Des mouvements très rapides, des accélérations latérales… des trucs étranges… On est couché en longueur dans la coque, et parfois, quand l’engin démarre en surf on a l’impression d’être transversal ! ! ! et non pas longitudinal !On a l’impression que le bateau part de côté… c’est assez effrayant ! ! ! Bon, (il rigole) Max, tu as quelque chose à dire ? Max : En gros, on craque nerveux quoi ! On craque nerveux ! Man : En fait, on devient dingue de ne pas savoir où est-ce qu’on est quoi ! A quelle vitesse on est ?… Où est-ce qu’on va arriver ?… Est-ce qu’on a dépassé la moitié de l’océan ?… Quand est-ce qu’on va arriver ? Dans combien de jours ? Ça, évidemment, ce sont des sensations nouvelles pour nous… puisque normalement, on adore la navigation astronomique… et on est très précis. Mais là… là, on est abominablement imprécis, à part une estimation très grossière de la latitude… lorsque le ciel le veut bien… avec les étoiles. Mais déjà, naviguer en plein jour rien qu’avec le soleil, c’est très difficile… très très difficile parce que, le matin, on l’a dans le dos, et pour faire cap avec le soleil dans le dos… c’est très difficile. L’après midi, c’est un peu plus facile… Mais en tout cas vers midi, c’est quasiment impossible, parce que le soleil tourne en azimut à toute vitesse au dessus de nos têtes… Max : Enfin, c’est impossible ! Man : Impossible ! Donc là, on se réfère au vent…Mais comme les mouvements du bateau sont très vifs et interfèrent énormément sur la girouette … la girouette bouge énormément de droite à gauche… Donc on est sacrément paumés ! On est fatigué, on est… on est… En fait, c’est un nervous break-down, tout simplement… Donc on a bouffé un peu de calmant… On a bouffé quoi euh ?… deux quarts de léxomil chacun… pour se calmer, pour se remettre un peu… J’espère que demain la mer, ça ira mieux… qu’elle sera plus clean quoi… Il faudrait que la mer soit plus clean parce que le vent est… le vent est mieux, le vent est mieux… Mais la mer, elle est toujours euh… hachée euh… on ne la comprend pas ! Voilà ! C’est bon ? Plage 7 Man : Oui, j’oubliais de dire… Max : Ouais, on a oublié de dire… Que tout simplement, on vient de s’apercevoir que… qu’il va falloir qu’on reste en ciré intégral jusque… jusqu’aux Antilles ! Ce qui est une terrible désillusion pour nous ! Man : Ouais, on pensait… On pensait naviguer de façon légère, habillés légèrement… avec quelques fourrures polaires ou en short ou en Tee shirt… Et en fait, on est obligé, on est obligé… Max : Sauf aujourd’hui, parce qu’on a rendu la main… comme des savates ! Man : D’ailleurs on en a profité pour bricoler un peu à bord… Il y a des trucs à faire… Un peu de maintenance… Mais on réalise qu’il va falloir qu’on porte nos cirés intégraux jusqu’aux Antilles… C’est terrifiant de penser ça parce que… avec le soleil qu’il va y avoir etc… ça va être abominable quoi ! … Abominable ! Parce qu’on transpire… les fourrures polaires sont gavées de transpiration, je ne vous pas l’odeur… On étouffe, on se sent mal et puis… la nuit… on dors en ciré intégral aussi… pour pouvoir intervenir sur le pont à tout moment… pendant que l’autre barre… Enfin, c’est abominable ! C’est affreux ! On ne peut vraiment pas se sentir bien quoi ! On étouffe ! on étouffe ! C‘est même quasiment de la claustrophobie ! ! ! Et aujourd’hui, on avance à toute petite allure… sous-toilés, petite misaine devant… On se traîne… Mais bon, on a pu bricoler un peu, sécher des trucs parce que… hier on a embarqué un maximum d’eau… ce matin aussi… donc la petite allure… (il rigole) , c’est… on en parlait, c’est la loi par deuch… par 2 chevaux interposée ! C’est à dire qu’une 2CV ça ne va pas vite, mais quand on ne s’arrête jamais, ça va très vite… et largement aussi vite que plein de bagnoles… qui font des pauses cafétéria etc… On va presque aussi vite… et le tout, c’est de ne jamais s’arrêter ! Donc c’est cela qu’il faut qu’on admette ! être lents… La preuve par deuch ! Voilà ! |
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