Brins de poèmes
Aujourd'hui, je cueille des brins de poèmes en guise de muguet. Après tout, les lettres emmanchées sur la tige de la ligne peuvent faire l'effet de clochettes. Des clochettes virant sur le noir cependant, car loin de la blancheur éclatante du Premier Mai de Victor Hugo où « tout conjugue le verbe aimer » et répète « un quatrain fait par les quatre vents », celui de Odysseus Elytis s'accorde mieux à notre temps qui nous métamorphose et nous fait sortir masqués comme pour un bal costumé.
Le Premier Mai
Je prends le printemps avec précaution et je l'ouvre
Me frappe une onde d'une fièvre arachnéenne
un bleu qui sent l'haleine de papillon
toutes les constellations de marguerite mais
aussi réunis nombre d'autres rampants ou volatiles
insectes, serpents, lézards, chenilles et autres
monstres mordorés avec cornes en fil de fer
écailles lamées or et rouges poussinières
Tout ce monde prêt à partir, on dirait
pour le bal costumé qui se donne aux Enfers.
Odysseus Elytis, Axion Esti, Gallimard. Traduit du grec par Xavier Bordes et Robert Longueville.
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En ce Premier Mai, je me dois aussi d'offrir un brin de poème aux travailleurs qui ont durement gagné le droit de célébrer ce jour.
(...) le travail ne suffit ni à moi ni aux miens ;
nous savons nous tuer à la tâche, mais le rêve de mes pères,
le plus beau, fut toujours de vivre sans rien faire.
Nous sommes nés pour errer au hasard des collines (...)
Cesare Pavese, Travailler Fatigue, Gallimard, traduit de l'italien par Dominique Fernandez.