Par la fenêtre ouverte
Si Rilke voit en elle une "Boucle qui ferme la vaste ceinture de notre vue", la fenêtre est avant tout ouverture, sur le dehors, sur le dedans. Il nous faut l'ouvrir, non pas à moitié, mais en grand, nous enjoignent Marina Tsvétaïeva et Guillevic.
Un côté de la fenêtre s'est ouvert.
Un côté de l'âme est apparu.
Ouvrons donc aussi l'autre côté,
Et cet autre côté de la fenêtre.
Marina Tsvétaïeva, L'offense lyrique, éditions Farrago et Léo Scheer.
Traduction Henri Deluy.
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1
Avant de regarder
Par la fenêtre ouverte,
Je ne sais pas
Ce que ce sera.
2
Ce n’est pas
Que ce soit la première fois.
Depuis des années
Je recommence
Au même endroit
Par la même fenêtre.
3
Pourtant je ne sais pas
Ce que mon regard, ce soir
Va choisir dans cette masse de choses
Qui est là,
Dehors.
Ce qu’il va retenir
Pour son bien-être.
4
Il peut aller loin.
Peu de couleurs.
Peu de courbes.
Beaucoup de lignes.
Des formes,
Accumulées
Par des générations.
5
Je laisse à mon regard
Beaucoup de temps,
Tout le temps qu’il faut.
Je ne le dirige pas.
Pas exprès.
6
J’espère que ce soir
Il va trouver de quoi :
Par exemple
un toit, du ciel.
Et que je vais pouvoir
Agréer ce qu’il a choisi,
L’accueillir en moi,
Le garder longtemps.
Pour la gloire
de la journée.
Eugène Guillevic, Etier, Gallimard.